La parole rachetée: imaginaire marchand et économie du signe dans le récit médiéval (XIIe-XIIIe siècles)

Detalhes bibliográficos
Autor(a) principal: Carreto, Carlos F. Clamote
Data de Publicação: 2009
Tipo de documento: Artigo
Idioma: fra
Título da fonte: Repositório Científico de Acesso Aberto de Portugal (Repositórios Cientìficos)
Texto Completo: http://hdl.handle.net/10400.2/2706
Resumo: 1.Car en monnoie est la cose moult oscure … (G. Le Muisit). Les avatars d’une semblance Il s’agira, dans cette première partie, d’esquisser les grandes lignes formant le cadre théorique sur lequel s’appuient ces réflexions, et de lancer de surcroit un bref regard sur les principales études et courants critiques s’étant attachés, surtout depuis les années 70 du siècle passé, aux répercussions de l’imaginaire économique et monétaire sur la conception du langage poétique et la nature mouvante du récit fictionnel. Les travaux de M. Shell, P. Haidu, H. Bloch, E. Vance, R. A. Shoaf ou J. Kellogg (entre beaucoup d’autres) ont en effet ouvert une voie herméneutique particulièrement féconde dans la mesure où, sans pour autant nier l’importante de la perspective socio-historique ou même des apports de la philologie traditionnelle, ces réflexions ont chercher à scruter et à interroger, en profondeur, le statut idéologique, textuelle et symbolique de l’imaginaire marchand qui imprègne lentement (mais irréversiblement) les diverses strates signifiantes des récits (du lexique aux motifs, en passant par les structures narrative) infléchissant ou bouleversant ainsi leur identité poétique ainsi que la vision du monde qui les sous-tend. Les nombreuses mutations qui marquent, dans les plus divers domaines, le XIIe siècle (l’une des plus frappantes, sinon la plus frappante et décisive, se traduisant justement dans le passage d'une économie oblative, intimement liée à la pensée symbolique dont toute civilisation ancrée dans l’oralité porte l’empreinte, à une économie monétaire et marchande subordonnée à l'imaginaire du signe et à l’empire de l’écrit), laisseraient-elles deviner un réseau très cohérent d'analogies d’où émerge notamment la singulière gémellité entre l’invisibilité troublante qui ressort des transactions monétaires et l’obscurité qui gouverne les échanges poétiques sous le signe de la métaphore, entre l’image ambiguë du marchant (modèle de fertilité et exemple d'une communication restaurée sur lesquels plane cependant le spectre diabolique de l'usure, de l'avarice, de la fraude, du mensonge et de la contrefaction) et celle, non moins ambiguë, du poète? Sur l'un comme sur l'autre pèse l'anathème de la damnation; tout deux aspirent également – au seuil d'une espèce de Purgatoire du langage – à voir leurs discours accéder pleinement à la légitimité. À une époque où l'on assiste à la désagrégation des valeurs constitutives de la féodalité, où le rapport à un Signifié fondateur et source de toutes références devient de plus en plus lointain et irrécupérable, la fiction et la monnaie frappée émanent comme deux nouveaux modèles de médiation à l'égard de l'objet du désir, comme deux formes d'écriture (analogues bien que distinctes et autonomes) qui, en modifiant profondément les rapports à l'Autre et au monde (et à l'Autre-Monde, bien entendu), engendrent de nouveaux mécanisme de représentation ou de symbolisation. 2. Ceste vos iert molt chier vandue… (Érec, 3559): trajectoire d’une métaphore Dans un article consacré à deux chansons attribuées à Chrétien de Troyes («Amors tençon et bataille» et «D’Amors, qui m’a tolu a moi»), Peter Haidu constate que le chant lyrique n’est nullement imperméable à l’imaginaire économique, et ceci malgré sa nature profondément topique. À partir de l’analyse du lexique, il en conclut que la fin’amor se déploie fréquemment sous le signe de l’usure où la distance et le temps font accroître le prix de l’objet du désir et la valeur même du sentiment amoureux. De son côté, le récit arthurien semble se tenir à l’écart du titillement des pièces qui scande le rythme de plus en plus frénétique de la ville médiévale, préférant alimenter la nostalgie d’un univers désormais utopique dominé par le don et l’hospitalité gratuite. Mais à s’en tenir à la surface spéculaire du récit, on risque de sombrer dans le leurre. Ellipses et silences au niveau du dit conduisent l’imaginaire économique et monétaire à se réfugier dans le non-dit de la métaphore, dans certaines stratégies rhétoriques de légitimation du discours fictionnelle (je pense notamment aux variations autour de la Parole des Talents – Marie de France, Perceval, Le Roman de Silence – d’où émerge une véritable poétique de l’usure) ou au creux de certaines expressions apparemment figées mais extrêmement lourdes de sens (insultes, manifestation de la douleur ou du désarroi, etc.). Eugene Vance (Marvelous Signals) a pour sa part admirablement montré la présence structurante, au sein du Chevalier au Lion, d’une tension (parfois insoutenable) entre une conception traditionnelle de l’amour courtois qui paralyse le héros près à sombrer (à l’instar d’Érec) dans une récréantise létale et sa progressive transformation en un rapport contractuel à l’Autre qui assume, au niveau aussi bien littéral que métaphorique, les contours d’une singulière transaction monétaire et marchande (intérêts usuriers, dette, restitution, etc.). Mais que devient le discours romanesque lorsque la métaphore incarne et devient fiction autonome qui bouleverse les structures traditionnelles du conte, trahit le pacte narratif et trouble l’horizon d’attente? Voilà pourtant ce qui se produit, encore au XIIe siècle, dans l’atypique roman de Guillaume d’Angleterre ou dans la seconde partie du Conte du Graal de Chrétien. De fait, que penser de cette transformation de Gauvain - modèle du logos arthurien dans lequel prend soudain corps la parole venimeuse et prophétique de Keu rabaissant le héros au statut de marchand de mots – qui devient à la fois commerçant, larron, sophiste et jongleur, constamment harcelé et humilié par ceux et celles qui autrefois l’encensaient et qui désormais ne voient dans ses paroles et ses gestes qu’une surface scintillante se limitant à produire des signifiants dénués de sens? Cette nouvelle mesure du langage et du monde révèlerait-elle, de l’autre côté du miroir de la courtoisie, une nouvelle économie du Graal? 3. Entre dénégation et exorcisme. De l’ellipse romanesque à l’économie du texte épique Les recherches sur la présence de l’imaginaire marchand dans le récit médiéval conduisent à une autre conclusion surprenante. Contrairement à certains lieux communs sur la nature conservatrice du discours épique, celui-ci semble se montrer beaucoup plus perméable à l’atmosphère économique qui le circonscrit que le roman. Certes, toutes les transactions qui s’y déploient ne relèvent pas forcément de l’échange marchand, l’imaginaire monétaire étant par ailleurs souvent filtré par une vision nobiliaire du monde qui en exorcisme la portée par le biais de l’ironie ou du comique. Il demeure que l’infiltration assez précoce de cet univers dans le champ de l’épique (songeons notamment à La Prise d’Orange) suffit à bouleverser, ne serait-ce que le temps d’une aventure, les structures poétiques et idéologiques de la geste. La présence de plus en plus structurante de l’imaginaire marchand au sein du récit épique soulève par ailleurs une question cruciale concernant le rapport entre deux genres narratifs majeurs contemporains: de l’autre côté du miroir textuel, la chanson de geste viendrait-elle donner corps à tout un imaginaire dénié par le discours romanesque? Plutôt qu’un genre antagonique et étanche, s’insinuerait-elle comme l’Autre dialogique du roman, la geste s’évertuant à rendre manifeste (ne serait-ce que pour en conjurer les menaces) ce que le conte cherchait sournoisement à ensevelir dans ses entrelignes? L’évolution de la chanson de geste au XIIIe siècle semblerait confirmer cette hypothèse, dans la mesure où l’expérience marchande de certains héros (Hervis de Metz, Enfances Vivien, etc.) fait clairement basculer l’épopée dans le roman, mouvement qui, loin de représenter une simple contamination de la chanson de geste devenue impure au contact du «vain et plaisant» langage romanesque, offre à ce discours les conditions de se racheter et de se régénérer. La double origine du héros (marchand et noble) émerge ainsi comme possible métaphore fictionnelle de la double nature/identité du récit tout en témoignant de cette «triomphale bâtardise de l’écriture» médiévale naguère évoquée par E. Baumgarnter. 4. Du compte au conte: l’écriture et son double Si le dénommé roman «réaliste» marque l’apogée de la confluence entre imaginaire monétaire et marchand et économie du récit, il scelle également l’apothéose de la fiction comme simulacre obéissant à l’empire d’un signe fiduciaire. Avec Jean Renart (notamment dans L’Escoufle), une trajectoire commune semble alors unir – pour le meilleur et pour le pire - les enjeux du compte et la fortune du conte. Une telle réflexion ne saurait se clore sans une note sur l’économie de la prose et son statut (narratif et symbolique) face à la syntaxe du vers, occasion d’un retour à la chantefable Aucassin et Nicolette où l’alternance entre les deux registres poétiques s’appuie et se projette sans cesse sur un prégnant discours économique débordant de métaphores monétaires.
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Kellogg (entre beaucoup d’autres) ont en effet ouvert une voie herméneutique particulièrement féconde dans la mesure où, sans pour autant nier l’importante de la perspective socio-historique ou même des apports de la philologie traditionnelle, ces réflexions ont chercher à scruter et à interroger, en profondeur, le statut idéologique, textuelle et symbolique de l’imaginaire marchand qui imprègne lentement (mais irréversiblement) les diverses strates signifiantes des récits (du lexique aux motifs, en passant par les structures narrative) infléchissant ou bouleversant ainsi leur identité poétique ainsi que la vision du monde qui les sous-tend. Les nombreuses mutations qui marquent, dans les plus divers domaines, le XIIe siècle (l’une des plus frappantes, sinon la plus frappante et décisive, se traduisant justement dans le passage d'une économie oblative, intimement liée à la pensée symbolique dont toute civilisation ancrée dans l’oralité porte l’empreinte, à une économie monétaire et marchande subordonnée à l'imaginaire du signe et à l’empire de l’écrit), laisseraient-elles deviner un réseau très cohérent d'analogies d’où émerge notamment la singulière gémellité entre l’invisibilité troublante qui ressort des transactions monétaires et l’obscurité qui gouverne les échanges poétiques sous le signe de la métaphore, entre l’image ambiguë du marchant (modèle de fertilité et exemple d'une communication restaurée sur lesquels plane cependant le spectre diabolique de l'usure, de l'avarice, de la fraude, du mensonge et de la contrefaction) et celle, non moins ambiguë, du poète? Sur l'un comme sur l'autre pèse l'anathème de la damnation; tout deux aspirent également – au seuil d'une espèce de Purgatoire du langage – à voir leurs discours accéder pleinement à la légitimité. À une époque où l'on assiste à la désagrégation des valeurs constitutives de la féodalité, où le rapport à un Signifié fondateur et source de toutes références devient de plus en plus lointain et irrécupérable, la fiction et la monnaie frappée émanent comme deux nouveaux modèles de médiation à l'égard de l'objet du désir, comme deux formes d'écriture (analogues bien que distinctes et autonomes) qui, en modifiant profondément les rapports à l'Autre et au monde (et à l'Autre-Monde, bien entendu), engendrent de nouveaux mécanisme de représentation ou de symbolisation. 2. Ceste vos iert molt chier vandue… (Érec, 3559): trajectoire d’une métaphore Dans un article consacré à deux chansons attribuées à Chrétien de Troyes («Amors tençon et bataille» et «D’Amors, qui m’a tolu a moi»), Peter Haidu constate que le chant lyrique n’est nullement imperméable à l’imaginaire économique, et ceci malgré sa nature profondément topique. À partir de l’analyse du lexique, il en conclut que la fin’amor se déploie fréquemment sous le signe de l’usure où la distance et le temps font accroître le prix de l’objet du désir et la valeur même du sentiment amoureux. De son côté, le récit arthurien semble se tenir à l’écart du titillement des pièces qui scande le rythme de plus en plus frénétique de la ville médiévale, préférant alimenter la nostalgie d’un univers désormais utopique dominé par le don et l’hospitalité gratuite. Mais à s’en tenir à la surface spéculaire du récit, on risque de sombrer dans le leurre. Ellipses et silences au niveau du dit conduisent l’imaginaire économique et monétaire à se réfugier dans le non-dit de la métaphore, dans certaines stratégies rhétoriques de légitimation du discours fictionnelle (je pense notamment aux variations autour de la Parole des Talents – Marie de France, Perceval, Le Roman de Silence – d’où émerge une véritable poétique de l’usure) ou au creux de certaines expressions apparemment figées mais extrêmement lourdes de sens (insultes, manifestation de la douleur ou du désarroi, etc.). Eugene Vance (Marvelous Signals) a pour sa part admirablement montré la présence structurante, au sein du Chevalier au Lion, d’une tension (parfois insoutenable) entre une conception traditionnelle de l’amour courtois qui paralyse le héros près à sombrer (à l’instar d’Érec) dans une récréantise létale et sa progressive transformation en un rapport contractuel à l’Autre qui assume, au niveau aussi bien littéral que métaphorique, les contours d’une singulière transaction monétaire et marchande (intérêts usuriers, dette, restitution, etc.). Mais que devient le discours romanesque lorsque la métaphore incarne et devient fiction autonome qui bouleverse les structures traditionnelles du conte, trahit le pacte narratif et trouble l’horizon d’attente? Voilà pourtant ce qui se produit, encore au XIIe siècle, dans l’atypique roman de Guillaume d’Angleterre ou dans la seconde partie du Conte du Graal de Chrétien. De fait, que penser de cette transformation de Gauvain - modèle du logos arthurien dans lequel prend soudain corps la parole venimeuse et prophétique de Keu rabaissant le héros au statut de marchand de mots – qui devient à la fois commerçant, larron, sophiste et jongleur, constamment harcelé et humilié par ceux et celles qui autrefois l’encensaient et qui désormais ne voient dans ses paroles et ses gestes qu’une surface scintillante se limitant à produire des signifiants dénués de sens? Cette nouvelle mesure du langage et du monde révèlerait-elle, de l’autre côté du miroir de la courtoisie, une nouvelle économie du Graal? 3. Entre dénégation et exorcisme. De l’ellipse romanesque à l’économie du texte épique Les recherches sur la présence de l’imaginaire marchand dans le récit médiéval conduisent à une autre conclusion surprenante. Contrairement à certains lieux communs sur la nature conservatrice du discours épique, celui-ci semble se montrer beaucoup plus perméable à l’atmosphère économique qui le circonscrit que le roman. Certes, toutes les transactions qui s’y déploient ne relèvent pas forcément de l’échange marchand, l’imaginaire monétaire étant par ailleurs souvent filtré par une vision nobiliaire du monde qui en exorcisme la portée par le biais de l’ironie ou du comique. Il demeure que l’infiltration assez précoce de cet univers dans le champ de l’épique (songeons notamment à La Prise d’Orange) suffit à bouleverser, ne serait-ce que le temps d’une aventure, les structures poétiques et idéologiques de la geste. La présence de plus en plus structurante de l’imaginaire marchand au sein du récit épique soulève par ailleurs une question cruciale concernant le rapport entre deux genres narratifs majeurs contemporains: de l’autre côté du miroir textuel, la chanson de geste viendrait-elle donner corps à tout un imaginaire dénié par le discours romanesque? Plutôt qu’un genre antagonique et étanche, s’insinuerait-elle comme l’Autre dialogique du roman, la geste s’évertuant à rendre manifeste (ne serait-ce que pour en conjurer les menaces) ce que le conte cherchait sournoisement à ensevelir dans ses entrelignes? L’évolution de la chanson de geste au XIIIe siècle semblerait confirmer cette hypothèse, dans la mesure où l’expérience marchande de certains héros (Hervis de Metz, Enfances Vivien, etc.) fait clairement basculer l’épopée dans le roman, mouvement qui, loin de représenter une simple contamination de la chanson de geste devenue impure au contact du «vain et plaisant» langage romanesque, offre à ce discours les conditions de se racheter et de se régénérer. La double origine du héros (marchand et noble) émerge ainsi comme possible métaphore fictionnelle de la double nature/identité du récit tout en témoignant de cette «triomphale bâtardise de l’écriture» médiévale naguère évoquée par E. Baumgarnter. 4. Du compte au conte: l’écriture et son double Si le dénommé roman «réaliste» marque l’apogée de la confluence entre imaginaire monétaire et marchand et économie du récit, il scelle également l’apothéose de la fiction comme simulacre obéissant à l’empire d’un signe fiduciaire. 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Recherches sur la Littérature d'Imagination au Moyen Âge". ISSN 0761-344X. T. 25 /1 e 2, nº 49-50 (Jan.-Déc. 2009), p. 23-530761-344Xinfo:eu-repo/semantics/openAccessreponame:Repositório Científico de Acesso Aberto de Portugal (Repositórios Cientìficos)instname:Agência para a Sociedade do Conhecimento (UMIC) - FCT - Sociedade da Informaçãoinstacron:RCAAP2023-11-16T15:16:40Zoai:repositorioaberto.uab.pt:10400.2/2706Portal AgregadorONGhttps://www.rcaap.pt/oai/openaireopendoar:71602024-03-19T22:44:08.663861Repositório Científico de Acesso Aberto de Portugal (Repositórios Cientìficos) - Agência para a Sociedade do Conhecimento (UMIC) - FCT - Sociedade da Informaçãofalse
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Kellogg (entre beaucoup d’autres) ont en effet ouvert une voie herméneutique particulièrement féconde dans la mesure où, sans pour autant nier l’importante de la perspective socio-historique ou même des apports de la philologie traditionnelle, ces réflexions ont chercher à scruter et à interroger, en profondeur, le statut idéologique, textuelle et symbolique de l’imaginaire marchand qui imprègne lentement (mais irréversiblement) les diverses strates signifiantes des récits (du lexique aux motifs, en passant par les structures narrative) infléchissant ou bouleversant ainsi leur identité poétique ainsi que la vision du monde qui les sous-tend. Les nombreuses mutations qui marquent, dans les plus divers domaines, le XIIe siècle (l’une des plus frappantes, sinon la plus frappante et décisive, se traduisant justement dans le passage d'une économie oblative, intimement liée à la pensée symbolique dont toute civilisation ancrée dans l’oralité porte l’empreinte, à une économie monétaire et marchande subordonnée à l'imaginaire du signe et à l’empire de l’écrit), laisseraient-elles deviner un réseau très cohérent d'analogies d’où émerge notamment la singulière gémellité entre l’invisibilité troublante qui ressort des transactions monétaires et l’obscurité qui gouverne les échanges poétiques sous le signe de la métaphore, entre l’image ambiguë du marchant (modèle de fertilité et exemple d'une communication restaurée sur lesquels plane cependant le spectre diabolique de l'usure, de l'avarice, de la fraude, du mensonge et de la contrefaction) et celle, non moins ambiguë, du poète? Sur l'un comme sur l'autre pèse l'anathème de la damnation; tout deux aspirent également – au seuil d'une espèce de Purgatoire du langage – à voir leurs discours accéder pleinement à la légitimité. À une époque où l'on assiste à la désagrégation des valeurs constitutives de la féodalité, où le rapport à un Signifié fondateur et source de toutes références devient de plus en plus lointain et irrécupérable, la fiction et la monnaie frappée émanent comme deux nouveaux modèles de médiation à l'égard de l'objet du désir, comme deux formes d'écriture (analogues bien que distinctes et autonomes) qui, en modifiant profondément les rapports à l'Autre et au monde (et à l'Autre-Monde, bien entendu), engendrent de nouveaux mécanisme de représentation ou de symbolisation. 2. Ceste vos iert molt chier vandue… (Érec, 3559): trajectoire d’une métaphore Dans un article consacré à deux chansons attribuées à Chrétien de Troyes («Amors tençon et bataille» et «D’Amors, qui m’a tolu a moi»), Peter Haidu constate que le chant lyrique n’est nullement imperméable à l’imaginaire économique, et ceci malgré sa nature profondément topique. À partir de l’analyse du lexique, il en conclut que la fin’amor se déploie fréquemment sous le signe de l’usure où la distance et le temps font accroître le prix de l’objet du désir et la valeur même du sentiment amoureux. De son côté, le récit arthurien semble se tenir à l’écart du titillement des pièces qui scande le rythme de plus en plus frénétique de la ville médiévale, préférant alimenter la nostalgie d’un univers désormais utopique dominé par le don et l’hospitalité gratuite. Mais à s’en tenir à la surface spéculaire du récit, on risque de sombrer dans le leurre. Ellipses et silences au niveau du dit conduisent l’imaginaire économique et monétaire à se réfugier dans le non-dit de la métaphore, dans certaines stratégies rhétoriques de légitimation du discours fictionnelle (je pense notamment aux variations autour de la Parole des Talents – Marie de France, Perceval, Le Roman de Silence – d’où émerge une véritable poétique de l’usure) ou au creux de certaines expressions apparemment figées mais extrêmement lourdes de sens (insultes, manifestation de la douleur ou du désarroi, etc.). Eugene Vance (Marvelous Signals) a pour sa part admirablement montré la présence structurante, au sein du Chevalier au Lion, d’une tension (parfois insoutenable) entre une conception traditionnelle de l’amour courtois qui paralyse le héros près à sombrer (à l’instar d’Érec) dans une récréantise létale et sa progressive transformation en un rapport contractuel à l’Autre qui assume, au niveau aussi bien littéral que métaphorique, les contours d’une singulière transaction monétaire et marchande (intérêts usuriers, dette, restitution, etc.). Mais que devient le discours romanesque lorsque la métaphore incarne et devient fiction autonome qui bouleverse les structures traditionnelles du conte, trahit le pacte narratif et trouble l’horizon d’attente? Voilà pourtant ce qui se produit, encore au XIIe siècle, dans l’atypique roman de Guillaume d’Angleterre ou dans la seconde partie du Conte du Graal de Chrétien. De fait, que penser de cette transformation de Gauvain - modèle du logos arthurien dans lequel prend soudain corps la parole venimeuse et prophétique de Keu rabaissant le héros au statut de marchand de mots – qui devient à la fois commerçant, larron, sophiste et jongleur, constamment harcelé et humilié par ceux et celles qui autrefois l’encensaient et qui désormais ne voient dans ses paroles et ses gestes qu’une surface scintillante se limitant à produire des signifiants dénués de sens? Cette nouvelle mesure du langage et du monde révèlerait-elle, de l’autre côté du miroir de la courtoisie, une nouvelle économie du Graal? 3. Entre dénégation et exorcisme. De l’ellipse romanesque à l’économie du texte épique Les recherches sur la présence de l’imaginaire marchand dans le récit médiéval conduisent à une autre conclusion surprenante. Contrairement à certains lieux communs sur la nature conservatrice du discours épique, celui-ci semble se montrer beaucoup plus perméable à l’atmosphère économique qui le circonscrit que le roman. Certes, toutes les transactions qui s’y déploient ne relèvent pas forcément de l’échange marchand, l’imaginaire monétaire étant par ailleurs souvent filtré par une vision nobiliaire du monde qui en exorcisme la portée par le biais de l’ironie ou du comique. Il demeure que l’infiltration assez précoce de cet univers dans le champ de l’épique (songeons notamment à La Prise d’Orange) suffit à bouleverser, ne serait-ce que le temps d’une aventure, les structures poétiques et idéologiques de la geste. 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